Retrouver d'anciennes voies par la cartographie

Parfois, la simple lecture de la carte topographique de l'IGN permet de lire le tracé probable d'une voie antique abandonnée sur laquelle nous trouvons un {CARROUGE}.

Les éléments à lire sont essentiellement la topographie et la présence actuelle de chemins.

En outre, le croisement avec les limites communales peut également s'avérer utile pour permettre d'appuyer certaines hypothèses de tracés. Les limites communales, survivances des limites paroissiales, sont parfois très anciennes ; les voies de communication ont souvent servi de délimitations aux communautés : "(…) ces délimitations, qu'elles nous parviennent sous la forme de sections cadastrales, de limites paroissiales ou encore de frontières communales modernes, sont souvent la survivance d'anciennes voies désormais disparues. Ce caractère particulier des voies anciennes permet de réajuster un tracé incertain et, dans une certaine mesure, de leur conférer une datation relative suivant l'ancienneté de la limite." (Amoroso Hugo, Dellea Yannick, Un exemple d'utilisation des systèmes d'information géographique (SIG/GIS) : l'occupation du territoire dans les environs du Mont Beuvray (Nièvre et Saône-et-Loire, France), CAR 120 (Cahiers d'archéologie romande), 2011, p.107-118) Lien vers l'étude. On y trouvera notamment une carte récente des voies romaines dans le Morvan.

Et puisque nous sommes dans le Morvan :

Le Carrouge, commune de Fâchin (58) :

L'addition des éléments suivants :

• itinéraire de chemins existants relié à Château-Chinon,
• portion de l'itinéraire formant délimitation communale,
• présence d'un Carrouge sur l'itinéraire,

permet de supposer qu'il s'agit d'une voie antique. Comme elle n'est pas répertoriée comme voie romaine, elle est soit pré-romaine (gauloise), soit postérieure (haut moyen-âge).

Toujours à côté de Château-Chinon, le Carrouge, 58-Arleuf. L'ancienne voie reliant Château-Chinon au site gallo-romain saute aux yeux :

Toujours dans le Morvan, le Carrouge (58-Corancy) permet de supposer le tracé d'une ancienne voie reliant deux vallées :

Sud du Morvan, le Carrage (71-Charbonnat). Le tracé proposé ici pour une ancienne liaison entre Toulon-sur-Arroux et Luzy forme la frontière communale de Cuzy sur près de 2 km :

Limites communales :

Ici, les lieux-dits "Terres de la Croix-Rouge" (71-Poisson) et "les Carges"  (71-Lugny-lès-Charolles) semblent bien se situer sur un même axe antique reliant Saint-Yan et Charolles. Anticipons le chapitre suivant : la photo aérienne permet de préciser l'axe nord-sud qui coupe l'axe est-ouest aux Carges :

Un peu plus au sud, dans le Brionnais, le lieu-dit "a Carrouge" (71-Montmelard) se situe le long d'un chemin qui constitue une limite communale sur environ 4 km. Il s'agit vraisemblablement d'une voie très ancienne :

Toujours dans le Charollais, le placement du lieu-dit "les Carouges" (71-Palinges) permet de distinguer facilement un axe antique sur la carte topographique :

Non loin, "le Carrouge" (71-Saint-Yan) nécessite de se tourner vers le plan cadastral napoléonien (Archives Départementales de S&L, cote 3 P 5702) afin de retrouver deux anciennes voies, qui se prolongent sur les communes voisines. En effet, tout a disparu du fait de l'emprise de l'aéroport de Saint-Yan.

Pour terminer, un exemple pris dans le Puy-de-Dôme.

Le lieu-dit "la Croix-Rouge" se trouve sur une ancienne voie romaine bien identifiée. Il s'agit probablement de la partie de la via Agrippa reliant Saintes à Lyon via Clermont-Ferrand. Cette voie passait par Feurs (42). Si cette voie est-ouest est facile à lire, la deuxième voie nord-sud qui la coupe n'apparait pas clairement. Une piste peut être fournie par la lecture des limites communales : l'ancienne voie suivait peut-être en partie la limite orientale de la commune de Lezoux :

En se déplaçant plus au nord, l'hypothèse est confirmée par la présence d'un axe repérable par la cartographie. Rectiligne, il se dirige vers le bourg de Crevant-Laveine, traverse l'Allier en se servant de l'ile des Cailloux, et se dirige vers une butte qui domine la plaine de la Limagne : la butte de Mongacon. On pense évidemment à un ancien oppidum gaulois, mais il semblerait que son occupation ne soit que beaucoup plus tardive, avec la construction d'un fort au moyen-âge. L'ancienne voie daterait-elle donc du moyen-âge ?